Colloque EMCC 2017

Marielle
12/04/2017

Le colloque annuel de l’EMCC France s’est tenu à Paris le 10 mars 2017. Cette année, il avait pour thème : « Comment (ré)investir le Bien Commun dans un monde en mutations pour les hommes, les équipes et les organisations ? »

Cette 13 ème édition a encore été l’occasion de montrer le dynamisme de cette association de coachs professionnels. Avec un doublement des adhésions en 3 ans, 1000 adhérents en France, 8000 en Europe, l’association développe son rayonnement et ses activités au service du professionnalisme des coachs.

Le président de l’EMCC France, Gabriel Hannes, a introduit la séance en précisant que le numérique représentait un Tsunami ou une bifurcation majeure. La puissance de traitement et de stockage va nous faire passer de la réalité augmentée à la réalité symbiotique ce qui va bouleverser notre environnement.

L’arrivée des objets intelligents proactifs, le traitement des données qui modifient nos vies, nos modes de travail et nos relations vont modifier en profondeur les besoins d’accompagnement mais sans doute les renforcer. En effet, les employés vont devenir des complémentarités aux postes de travail tenus par les machines. Les coachs devront se mettre au service de la société pour recréer des espaces d’humanité dans les relations.

Le bien commun en entreprise

Nicolas Jeanson, ancien DRH et directeur de sites industriels est ensuite intervenu pour nous proposer sa réflexion sur le bien commun en s’appuyant en particulier sur son expérience relatée dans son livre « replacer l’homme au cœur de l’attention. Chronique d’un sauvetage industriel ».

Qu’est ce que le bien commun en entreprise ? Nicolas Jeanson répond par cette métaphore « Sur un bateau un passager fait un trou sur son siège les autres lui disent d’arrêter, il répond c’est mon siège : je fais ce que je veux ».

Si l’on prend l’exemple du Titanic, qu’est ce que le bien commun ? Le commandant au port de départ de cette première traversée pourrait répondre : c’est le succès de la traversée confort, la musique, l’équipage aux soins des passagers, le bonheur sur l’eau… Pour l’armateur se pourrait être : confirmer qu’il a eu raison d’investir dans ce bateau.

Mais après le naufrage, 40% des passagers ont survécu, 25% du l’équipage et 100% des actionnaires. Qu’est devenu le bien commun ? Le nombre de canot permettait de sauver la moitié des passagers. On parle de monstruosité maintenant mais à l’époque il y avait la croyance technicienne : il ne peut pas couler, et la croyance légaliste, on respecte la loi : le nombre de canots en fonction du tonnage. La loi a été respectée.

Que pense-t-on maintenant de nos croyances techniciennes et respectueuses de la loi ?

Après cet exemple Nicolas Jeanson relate la transformation qu’il a réalisée sur un site industriel d’un groupe pharmaceutique en grande difficulté. Il met en avant l’importance du facteur humain dans la réussite et la stratégie gagnante centrée sur l’écoute des employés. Le bien commun s’exprime comme le bien de chacun et le bien de tous, les deux se renforçant

Le premier bien commun d’une entreprise est sa pérennité et de ce fait le bien du tout est proéminent au bien de chacun. Pour redresser l’entreprise, il a pris le  temps de l’écoute des salariés : qu’est ce qui se passe bien, mal, de quoi avez-vous besoin pour faire votre travail ? Qu’est ce qui vous manque ?

Je voudrais faire mais on ne me laisse pas

Il a pu constater beaucoup de tristesse, d’inquiétude, d’isolement, un manque de coopération, une impuissance face aux injonctions paradoxales, de la colère… Mais aussi quelques signaux faibles sur lesquels s’appuyer pour redémarrer : « je voudrais faire mais on ne me laisse pas… ». Comment expliquer que des gens normaux arrivent à cette démotivation ? Petit à petit chacun se recroqueville sur son « bien personnel » qui avait consisté à se mettre à l’abri des coups.

Les causes principales de maltraitance managériale ont été analysées :

  • Dès que le process ne marchait pas, on ajoutait une loi supplémentaire de contrôle, les salariés se sont dit « on ne nous fait pas confiance et on se désengage ». Ce mouvement intérieur ne s’est pas vu tout de suite.
  • Tout le monde est irréprochable mais ça ne marche pas : chacun regardait de son point de vue sans chercher une solution globale
  • La politique salariale d’augmentation nulle traduisait la volonté de la direction de communiquer aux salariés que si ça ne va pas, c’est de leur faute. Or quand une machine est en panne on la répare mais pour les personnes on n’a plus les moyens. On imagine que le salarié doit prendre sur lui et bien vivre des situations injustes mais le besoin de reconnaissance est vital non seulement pour chacun mais aussi pour le commun. C’est la naissance de la maladie de nombreuses entreprises : l’« Aquoibonite » à quoi bon puisque tout le monde est traité de la même façon !

Il n’y a pas de succès possible sans favoriser la coopération. Souvent les décideurs mettent beaucoup de tension sur les résultats et non sur la façon d’obtenir les résultats. La réalité prise en compte par les dirigeants est celle qu’ils maîtrisent le mieux or concernant les relations, la coopération comme ils ne savent pas faire ce sont des critères qu’ils ne prennent pas en compte.

Il s’agit de :

  • redonner du sens, exiger et rassurer en recréant le lien social, reconstruire sur la base de principes de facilitation de la vie commune en expliquant la réalité dans un langage de vérité,
  • Valoriser la liberté de parole, le devoir de remontrance, le devoir de cohésion : la liberté ne sert que si l’on a des choses désagréables à dire pour apprendre sans nuire à la cohésion,
  • Revitaliser la reconnaissance sur des critères subjectifs de contribution : ouverture, soutien, coopération… ne sont pas mesurables mais essentiels. Il est nécessaire de mettre en place de processus avec des critères comportementaux.

Enfin, la solidité des repères, du sens est le job du patron pour œuvrer au bien commun et à la communauté.

 

Retrouvez l’interview de Nicolas Jeanson pour le colloque :

https://www.youtube.com/watch?v=QQZnTcMwa6Q

 

Troisième révolution industrielle et révolution des valeurs


L’intervention de Luc Ferry, philosophe, auteur de nombreux ouvrages, ancien ministre, a ensuite porté sur la troisième révolution industrielle et la révolution des valeurs.

Selon Luc Ferry, nous sommes à l’orée d’une 3eme révolution industrielle plus rapide, puissante que les autres qui conduit à un « transhumanisme » pour lequel la régulation tant du côté de la médecine que de l’économie devrait reprendre tout son sens.

Qu’est ce qu’une révolution industrielle ?

Pour Luc Ferry, une révolution industrielle se caractérise par une nouvelle source d’énergie, de nouveaux modes de communication virtuelle (idées) et physique (biens et personnes) et un bouleversement complet de l’économie.

La première révolution a eu lieu au milieu du 18eme siècle. Une nouvelle source d’énergie :  la machine à vapeur a permis l’invention des rotatives et donc la naissance d’une réelle presse qui favorise le déploiement des idées. Cette énergie a conduit à la création du chemin de fer, les unités de production centralisées, l'usine au service du patron, la naissance de la classe ouvrière et de l’Europe.

L’innovation est destructrice des modes de vie ancien, des emplois, puis elle est créatrice d’emploi. Le problème est que les emplois sont créés ailleurs et pas pour les mêmes personnes. La révolte contre l’innovation est ancienne (cf. en 1831 la révolte des canuts à Lyon contre la machine à tisser).

La 2eme révolution s’est produite dans les années 1880. Edison a inventé l’ampoule filament, sont apparues les centrales électriques et la TSF permettant la communication des idées. Le train est devenu électrique, les camions, voitures, et avions ont ensuite permis la création des groupes internationaux.

La troisième révolution: une nouvelle énergie, l'intelligence

La 3eme révolution a commencé dans les années 1990. Cette fois, la nouvelle énergie est l’intelligence. L’invention du web a permis à l’humanité d’être mondialement connectée. Les idées voyagent via Google et les réseaux sociaux : 1 milliard de photos par jour sur Instagram ce qui permet à la reconnaissance faciale de progresser.

C’est l’émergence d’une économie biface : gratuit pour nous, payant pour les professionnels car Google revend les informations aux professionnels. Google gagnait 55 milliards de dollars en 2011 en revente des données.

Le développement des objets connectés, les innovations majeures comme les nano- technologies, les impressions 3D, la robotique, les machines dans l’humain (cf. le cœur artificiel), le travail sur les cellules souches, transforment en profondeur les modes de vie, par exemple la surveillance des personnes âgées chez elles, le contrôle du cancer…

Nous sommes soumis a deux types d’intelligence artificielle (IA) :

  • IA faible : capable de vaincre les joueurs d’echecs, puis de go puis de poker. Capable de décrypter des milliards de données par exemple le séquençage du génome
  • IA forte : fabrication d’une vraie intelligence, avec des émotions. Pour ces chercheurs, nous sommes déjà des machines donc on devrait faire des machines comme les hommes. Si c’est projets deviennent réalité, nous aurons créé une machine darwienne dont l’objectif pourrait être d’éliminer l’humanité.

On entre dans des conflits tragiques car « juste » selon le point de vue que l’on adapte. Par exemple, Airbnb et hôteliers ont raison dans leur cadre de référence, Il s’agit de deux légitimités. C’est pourquoi la seule façon de trouver des modes de fonctionnement tirant partie des deux approches consiste à mettre en place des régulations évolutives.

Suite à ces deux interventions majeures, l’après midi a été consacré à des ateliers de professionnalisation expérientiels favorisant les échanges et le partage de pratiques.

La journée s’est terminée dans la bonne humeur par un spectacle collectif !

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