Changement, l’exemple de la grenouille

Marielle
19/01/2017

« nous devons changer nos pratiques managériales : plus de responsabilité, plus de sens, plus de résultats… », « les jeunes managers ne savent pas comment faire face à leur équipe », « la diversité, comment déployer nos pratiques managériales à l’international ? »

Le changement est partout : à titre individuel (mon projet de vie, de carrière), collectif (mon équipe, son fonctionnement, l’évolution de ses pratiques), organisationnel (ma structure n’est plus adaptée aux challenges de l’entreprise, les pratiques managériales ne conviennent pas à cette nouvelle génération Y…).

Gregory Bateson anthropologue, psychologue, à l’origine de l’école de Palo Alto a développé  dans les années cinquante  la notion de changements  de type 1 et de type 2.

Le changement de type 1

Bateson le décrit comme celui qui permet au système (la personne, l’équipe, l’entreprise) de maintenir son « homéostasie », son équilibre. L’homéostasie d’un système réside dans son aptitude à exercer des phénomènes auto correcteurs sur les éléments internes ou externes qui menaceraient son équilibre. Les solutions de niveaux 1 contribuent à enclencher des mécanismes régulateurs d’ajustements dits homéostatiques car ils maintiennent le système dans son état L’équipe s’adapte à la nouvelle donne, elle accueille le nouvel embauché et lui apprend ses façons de faire, l’expatrié, le manager ou l’expatrié s’adapte à l’entreprise qu’il intègre ou réintègre tout en imprimant sa marque.

Mais le changement de type 1 est quelquefois inadapté quand les solutions de bon sens maintiennent les problèmes ou en créent, le système entre alors en crise. Il est nécessaire d’introduire des changements d’un autre niveau. Quand le manager commence à entendre : « plus ça change, plus c’est la même chose » c’est souvent que les mécanismes de régulations ne suffisent plus. A titre d’exemple, l’expatrié qui rentre en France a changé : ses valeurs, croyances ont évoluées mais l’environnement familial va vouloir le remettre dans le système d’avant et cela ne lui convient plus : « on ne se comprend plus ! »

Le changement de type 2 

Il y a changement de type 2 quand le système lui-même se modifie ou est modifié. A titre d’illustration, l’accélérateur qui permet d’aller plus vite à même régime constitue un changement de type1, l’intervention sur le levier de vitesse qui, modifiant le régime, de la voiture la fera passer à un niveau supérieur de puissance, constitue un changement de type 2. Face à une pente très abrupte (que l’on peut traduire aussi par un fort changement de contexte économique, managérial, social), si le conducteur ne faisait qu’accélérer un peu plus, la solution amplifierait le problème de la voiture.


Il est important pour le manager, le responsable, d’identifier le moment où lui-même, l’organisation risque de se « sur-adapter » pour rester dans son pseudo confort et la suradaptation peut conduire à la catastrophe. A titre d’illustration, une expérience aurait été faite à la fin du 19eme siècle aux Etats Unis avec des grenouilles : une première grenouille est plongée dans un récipient rempli d’eau chaude, elle se sauve d’un bond. Une deuxième grenouille est placée dans un récipient d’eau froide, elle est bien, l’opérateur augment la température tout doucement, la grenouille ne bouge pas et finit par mourir ébouillantée !

 

Souvent, il ne suffit pas de faire mieux ou faire plus de la même chose mais de faire différemment. Le défi est une évolution réelle des pratiques. La difficulté est que le changement de type 2 se fait le plus souvent par un déséquilibre, une crise : pour marcher, on passe un moment par un déséquilibre.

Or, nous avons tous tendance à reproduire ce que nous connaissons. En fonction de notre histoire, de notre environnement, nous mettons en œuvre tout un système de rétroactions pour nous maintenir dans ce que nous connaissons même si ce n’est pas le plus efficace. Nous allons nous adapter pour éviter de changer beaucoup : toujours l’homéostasie !  Malheureusement les « recettes » que l’on a utilisées dans un contexte ne peuvent plus s’adapter : Comment créer une vision d’équipe quand on ne se connaît pas physiquement ? Comment construire mon leadership de manager quand je ne connais pas l’environnement de travail de chacun des membres de l’équipe ? Est-ce qu’il suffit de dire « soyez impliqués » pour dynamiser l’équipe !

Il ne s’agit pas de se sur adapter à une situation mais de trouver sa solution

Le coaching a donc pour objectif de nous sortir de nos propres croyances, faire évoluer nos représentations du monde pour nous faire changer plus radicalement et être plus en adéquation avec la situation.

Il s’agit d’accompagner le coaché dans une mutation profonde, de changer les mentalités et les modèles mentaux afin de rendre possible de nouvelles pratiques.

Le changement est une ouverture, pas un renoncement à ce que l’on est : « on ne peut bien changer que si l’on sait ce qu’on ne veut pas changer ». Le coaché, abandonne des croyances, certitudes qui lui ont sans doute été utiles à un moment mais maintenant sont un frein à son évolution. Cette évolution est « écologique » pour la personne ce qui permettra de capitaliser sur la réussite. C’est sans doute une différence fondamentale avec la formation. Combien d’entre nous sont allés à des formations pour améliorer son leadership, sa gestion du temps… en sont revenus avec plein de bonnes résolutions qui sont restées lettre morte ?

En coaching, le coaché trouve ses propres ressources pour « écarter ses limites », il n’y a pas la bonne solution mais celle qui lui convient : quel genre de manager je veux être en fonction de mes talents mais aussi de mes défauts ?

Le but du coaching c’est d’écarter les limites de façon durable : une réussite doit être accompagnée pour pouvoir être reproduite. C’est pour ça que la démarche de coaching est relativement longue : 6 à 9 mois en général.

L’approche que nous pratiquons en coaching est ce qu’on appelle l’approche globale que l’on appelle systémique :

Ce n’est pas une approche uniquement centrée sur l’individu, son développement personnel, ni une approche seulement centrée sur l’organisation qui nierait les facteurs humains : le pouvoir, l’ambition, la crainte, le besoin de reconnaissance de chacun…

Il est nécessaire de tenir compte des personnes, des métiers de la structure et des interactions au sein de l’organisation.

Pour chaque situation, il n’y a pas UNE réalité mais une représentation que nous nous en faisons en fonction de nos croyances, du moment. Qui n’a pas vécu  le récit complètement différent d’une réunion ou d’un événement selon la personne qui le raconte, on a l’impression de ne pas avoir assisté à la même réunion !

La carte n'est pas le territoire

Comme on dit « la carte n’est pas le territoire » et en plus cette carte elle change avec le temps : on réinterprète les faits au fil du temps. Mais si la réalité n’est pas unique, il n’y a pas non plus de fatalité. Tout peut évoluer en fonction de notre nouvelle perception !

Toute personne est capable d’évoluer si elle le souhaite et elle trouvera les solutions adaptées à sa situation.


Dans notre approche nous pensons que la relation qui se passe entre le coach et le coaché est une traduction de situations vécues par le coaché dans d’autres circonstances. Un classique : le coaché qui vient parce qu’il a un problème de management, « on le trouve trop directif » et qui parle pendant une heure de sa situation sans que le coach ne puisse poser une seule question. Cela semble une caricature mais c’est une réalité et si le coach saisit ce moment pour faire ce que l’on appelle un reflet : est ce que cette situation vous fait penser à quelque chose dans votre vie professionnelle ? Cela peut déclencher une prise de conscience très forte.

A noter, que toute organisation, tout système  comme chacun de ses membres met en œuvre des systèmes homéostatiques pour s’adapter et éviter de changer beaucoup.

Le coaching peut être considéré comme une troisième voie : ni formation ou conseil, ni thérapie.

Comme je vous l’ai dit, le coach n’apporte pas de solution au client, il co-construit avec lui sa propre solution.

Le formateur ou le consultant est un expert qui transfert son savoir, sa technologie, sa méthode.

Le coach est un « spécialiste » de la relation et il répond à une demande de performance professionnelle. Comment faire autrement dans une situation donnée ici et maintenant? Bien sûr le passé fait parti du paysage, de la représentation mais on ne cherche pas les causes de cet état de fait à la différence de la thérapie qui s’intéresse au pourquoi de la situation. Elle constitue une réponse à une souffrance et est ancrée dans le domaine personnel et privé.

Bien sûr les limites ne sont pas étanches et il est quelquefois utile de passer par des éléments de contexte privé pour expliquer une situation : un expatrié dont la femme est dépressive parce qu’elle ne trouve pas sa place ne se comportera pas de la même façon que si sa famille est épanouie (d’où l’intérêt d’accompagner les conjoints dans les expatriations).

Si l’on prend l’exemple du coaching interculturel que je connais bien, la formation dite interculturelle est indispensable : il est utile de comprendre ce qu’on appelle le oui de façade des chinois, les codes hiérarchiques au japon.

C’est un préalable, mais ce n’est pas parce que l’on aura donné quelques clés de culture à un manager pour qu’il soit en mesure de piloter au mieux une équipe multiculturelle car cela suppose aussi une évolution de votre part. Certaines cultures ne peuvent par exemple imaginer un manager plus jeune ou de sexe féminin.

Le manager peut être complétement déstabilisé par les réactions de ses interlocuteurs. Par exemple, un français très extraverti se sentira très mal à l’aise en contact avec un japonais silencieux. Cela peut avoir 2 conséquences, soit le manager le prend pour lui et aura tendance à accentué son extraversion, soit il pourra construire une représentation négative de l’autre culture ! Les préjugés culturels sont de véritables parasites de la relation et sont d’autant plus difficiles à effacer qu’ils sont construits sur une blessure. L’importance d’un travail sur soi-même approfondi apparaît donc cruciale pour sortir de cette situation mais pas pour se regarder dans un rétroviseur.  En fonction de ce que je suis et de ce qu’est l’autre comment je peux évoluer pour accepter l’autre tel qu’il est ?

Accepter sa propre culture

Cela suppose d’accepter les limites de sa propre culture et de ne pas être déstabilisé par cet état de fait et en faire un atout.

Une petite anecdote, un des managers que j’accompagnais suite à une prise de fonction d’un poste de responsable d’équipe de vente basé dans plusieurs pays, s’est dit : je vais renforcer les liens en développant les mails entre nous : c’est réactif, tout le monde comprendra et tout le monde aura l’info en même temps. Ça a été pire qu’au départ: la rédaction de mails est un des éléments les plus révélateurs de la culture d’un pays : les formulations sont très différentes d’une culture à l’autre, les mots sont interprétés différemment… cet outil trivial entre collègues français prend une toute autre dimension.

Danielle Deffontaines, Coach

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