La management en Australie

Léo Deffontaines

À quoi ressemblent les techniques managériales à l'étranger ?

Le management est une discipline sans cesse renouvelée au sein des entreprises. Savoir donner du sens, communiquer, écouter, aménager l’environnement de travail pour améliorer le bien-être et l’efficacité de chacun au travail, installer des relations positives de confiance entre toutes les personnes de l’équipe et plus largement  de l’entreprise, voici une partie des compétences demandées aux managers du 21eme siècle.

Chaque culture envisageant les rapports humains de manière différente, s’intéresser aux pratiques managériales hors de France peut être riche d’enseignements.

Je suis parti deux mois pour un stage en entreprise à Sydney dans le cadre de mes études, et voici ce que ce voyage a pu m’apporter concernant le management australien.

Il faut tout d’abord comprendre le contexte économico-social de l’Australie. Treizième puissance mondiale, l’Australie est un pays riche et jeune. C’est également un pays très tourné vers la diversité et l’accueil de la différence, notamment à cause de son histoire et de sa position économique. En effet, la question de la cohabitation entre colons et aborigènes a été au centre des débats sociétaux dès le début de l’Histoire australienne. De plus, du fait de son appartenance au Commonwealth, l’Australie est confrontée aujourd’hui à une immigration massive des pays comme l’Inde, l’Angleterre, et l’Afrique du Sud. Les pays asiatiques comme l’Indonésie, la Chine et la Thaïlande, du fait de leur proximité géographique, sont des pays majeurs d’émigration vers le pays-continent. A titre d’exemple, dans l’entreprise où j’ai effectué mon stage, une PME de distribution de matériel médical, des employés indiens, asiatiques, allemands, italiens, français et sud-africains sont répartis partout dans les différents services formant un patchwork de cohabitation de différentes cultures au sein de l’entreprise. De manière plus générale, il suffit de se promener dans les rues de Sydney pour se rendre compte de cette diversité : des faciès très différents, des restaurants de tous les pays du monde (japonais, indien, français, irlandais, slovaque, italiens, thaïlandais, chinois) absolument partout, de très nombreux centres culturels, des fêtes organisées par les communes autour des cultures française, indienne, chinoise…), etc…

Toutefois, il est important de rappeler  qu’en ce qui concerne la politique migratoire australienne, il existe une sélection pour l’entrée dans le pays : les autorités choisissent en premier lieu les personnes qualifiées et éduquées. L’Australie n’est pas une terre d’accueil pour tous.

De fait, l’Australie a une culture de la diversité très forte. Aussi, les techniques managériales australiennes sont tournées autour de la question de l’inclusion et de l’acceptation de la différence. Lorsque je travaillais dans le département RH à Sydney, j’ai dû  par exemple chercher des calendriers sur lesquels apparaissent les différentes fêtes et célébrations majeures dans le monde, afin de pouvoir les fêter  au sein de l’entreprise et mieux comprendre la culture des différents pays représentés dans l’entreprise.

Cependant, cette culture de la diversité va bien au-delà de l’acceptation des différentes cultures. De nombreuses entreprises australiennes mettent en place de complètes politiques d’ouverture et d’inclusion pour l’ensemble des « diversités », en prenant en compte la défense des causes LGBTI, les problématiques trans-générationnelles mettant en exergue  leurs  ambitions différentes et façon de concevoir la vie, l’inclusion des personnes présentant des formes de handicap, la défense de l’égalité entre les sexes, etc… Ces politiques d’intégration et de non-discrimination permettent aux entreprises qui le souhaitent d’obtenir des accréditations auprès d’organisation à but non lucratif, ou d’association, qui leur permettent de démontrer leur engagement vis-à-vis de ces différentes causes. Une accréditation reconnue est par exemple celle du Rainbow Tick, s’intéressant aux droits LGBTI. Pour l’obtenir, il faut valider un certain nombre de critères dans des domaines variés  sur une durée de 18 mois par un certain nombre d’actions. Si l’ensemble de ces critères est validé à la fin des 18 mois, l’entreprise se voit attribué le label Rainbow Tick, qu’elle aura le droit de conserver pendant trois ans.

Ces différents engagements dans les causes sociétales s’accompagnent souvent d’une politique de flexibilité élaborée, afin de pouvoir répondre aux attentes des différents acteurs d’une entreprise, employés comme clients.

Ainsi, de nombreuses entreprises australiennes se sont lancées dans de véritables politiques de flexibilité, c’est-à-dire donner la possibilité aux employés de personnaliser et de construire une partie de leur environnement de travail. Il s’agit pour l’entreprise de de renforcer le sentiment d’appartenance, la marque employeur, soit de renforcer la synergie entre les employés et l’entreprise et d’augmenter leur productivité, en se sentant bien sur son lieu de travail. Le taux de chômage étant très faible (5,5%), le recrutement et la rétention du personnel expérimenté est un enjeu majeur des entreprises.

Les politiques de flexibilité comprennent la possibilité de s’engager sur des quotas d’heures par semaine plutôt que d’imposer des horaires de début et de fin de journée, de pouvoir travailler une partie du temps chez soi, de compresser une semaine de travail de cinq jour en quatre afin d’avoir une journée plus courte, de transformer des heures de travail supplémentaire en heures de congé à prendre quand l’employé le souhaite, de pouvoir ajuster la charge de travail afin de correspondre au mieux aux différentes phase de la vie. Par exemple, les personnes en fin de carrière ont une charge de travail plus faible ce qui leur permet de mieux préparer la transition du monde professionnel à la retraite. L’idée étant de pouvoir mélanger ces différentes possibilités afin de pouvoir créer un environnement optimisé pour l’employé et ainsi obtenir le meilleur de lui.

J’ajouterais également que les nouvelles techniques managériales en Australie ne passent pas uniquement par l’instauration de politiques ou d’actions formelles. On retrouve cette évolution du management dans la volonté de créer un cadre agréable, sympathique, chaleureux et décontracté. Ainsi, lors de mon stage, de nombreux temps de partage étaient organisés, en milieu de matinée, pendant lesquels chacun amenait de la nourriture de son choix, typique de sa culture ou non. Pendant ces temps, qui durent aussi longtemps que les gens le souhaitent (en général entre 10 et 25 minutes, nous discutions de tout (rarement de travail) avec les autres, blague, détente, etc… De plus, il est commun d’entendre des éclats de rire dans le bureau, en open space d’environ 15-20 personnes y compris les managers, regroupé par secteur, d’aller voir des collègues de bureau pour faire des « small talks » de 5 minutes pour se vider la tête, rire un peu, etc…

Les entreprises australiennes s’ouvrent à de nouvelles pratiques managériales tournées vers l’ouverture, l’inclusion et l’adaptation aux besoins des employés afin d’augmenter la productivité au travail, mais aussi de développer les relations professionnelles saines entre les employés. Cela permet de renforcer le dynamisme de l’entreprise et de conserver un esprit jeune et décontracté, agréable, propice à une meilleure production et à une efficacité des employés accrue, mais pas seulement. L’intérêt des politiques de diversité et de flexibilité est aussi de conserver les bons éléments des entreprises qui les mettent en place, notamment les employés expérimentés mais vieillissant et les jeunes talents fraichement arrivés, dans un contexte où le marché du travail est très fluide (les gens peuvent changer d’entreprise très facilement).

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